gymnopédie / hanae

l'aurait pu changer de couleur, kaneda, varier entre le rouge et le vert, semblant de bleu et d'orange. l'aurait pu changer de couleur, kaneda, que personne aurait levé le petit doigt en signe contestataire, que personne aurait lancé le débat ou essayé de calmer le jeu en lui mettant la tête dans une bassine d'eau glacée. l'aurait pu changer de couleur, kaneda, faire dans la superbe d'une aurore témoignant d'une fin terrestre aussi soudaine que destructrice. l'a pourtant pas mise sa pâleur sur le carreau, à prendre d'autres éclats pour les étaler à même ses joues. l'est là, kaneda, cinq heures après les répétitions, à traîner la jambe les mains vides et les bottes pleines de terre. l'a poussé sans excès les portes de la verdure, à même pas avoir besoin de chercher plus loin que le bout de son pif pour se retrouver face à ce semblant de mi-ferme mi-chaumière qu'aurait de quoi effrayer les mômes, un coup à les dévorer pour mieux les jeter dans un four bouillant dans la foulée. l'a un accueil privilégié, la biquette qui se ramène et lui bêle dessus, fait pas plus peur qu'un chiot qu'aurait des envies de grandeur, à mâcher le bout du pantalon pour affirmer un caractère trempé à la javel. l'a les sourcils qui se froncent, une genre de sincérité tendre qui vient lui fendre la gueule en deux traits nets. de quoi jalouser un sourire de l'ange. se donne pas la peine de caresser ses poils blancs, s'attarde plutôt sur la porte, l'épaule calé dans son encadrement, la lassitude d'un comique de répétition qui vient le prendre dans ses bras. c'un coup sur deux avec hanae, peut pas faire toujours ouvert ou toujours fermé. en l'occurence l'aurait de quoi défoncer la porte et se ramasser sur le parquet, à la place y toque tantôt avec le poing tantôt avec le coude. deux à trois fois. deux à trois fois de nouveau. pourrait réveiller les morts si y se donnait un peu plus dans une passion constante pour l'ouverture d'un autre espace. connaît la décoration, connaît la chanson dans les moindres détails. y se racle le fond de la gorge, l'est dans l'attente qu'il perd au bout d'une minute.

- HANAE !

—Sam 13 Mar 2021, 15:33

y a le thé jasmin qu’a refroidi jusqu’à goûter un souvenir d’ice tea descendu d’une traite sur un banc ou sur un fauteuil de cinéma, salle plongée dans le noir et toutes les faces tantôt pâlies par le flash des explosions artificielles tantôt recouvertes de silhouettes rétro-projetées qui matent qui matent et qui mâchent leur pop-corn salé sucré amer caramel et même sucre pétillant sans piper mot et sans piper émotion. l’aurait chialé hanae - l’aurait chialé au baiser des amants, l’aurait chialé à la mort de l’ami de la mère du fils ou machin ou truc, l’aurait chialé pour un plan sur le ciel dégagé, pour les retrouvailles pour les bagarres pour le chien qui s’échappe pour le triste pour le beau pour le moche pour le joyeux et même le moyen bof. l’aurait chialé sur son siège en velours rouge à l’américaine, son ice tea abandonné dans le pose bouteilles qui lui aurait manqué qu'une fois qu’elle l’aurait oublié. l’aurait gardé le ticket du film même en sachant qu’il resterait dans le fond de sa poche, au mieux dans le tiroir du bureau. l’aurait acheté le dvd et l’aurait chialé aux mêmes exacts moments. y a le thé jasmin qu’a refroidi et le bruit qui tourne autour de la pièce comme s’il pouvait plus l’approcher, la caboche embarquée dans le premier boeing sans savoir si c’était le bonne embarcadère et okinawa tokushima ou bien san francisco c’est pas important. l’a l’esprit fugitif pris dans sa course folle et l’aurait bien b’soin d’un parpaing accroché au cervelet hanae, le cerveau plus poids plume que masse d’un kilo quatre. y a le thé jasmin qu’a refroidi puis comme une grand main qui tire sur la ficelle qui valdingue derrière le moteur - l’a un sursaut à son prénom, l’a un sursaut malgré le timbre familier et alors que le temps était inerte dans son cercueil de chair et ligaments, squeezé entre toutes les abstractions, l’a soudainement retrouvé comment se mouvoir à une vitesse normale et faire repartir la machine en pause. ouvre la porte sans questionner au c’est qui à propos de quoi comment hein, y trouve kaneda le bas du froc coincé entre les dents de dolly. l’a pas les traits qui font mine de cacher son étonnement - l’est toujours étonnée hanae, l’est toujours étonnée parce qu’a gommer les reminder sur ses post-it faute de place sur ses carnets l’a toujours des imprévus.

- kaneda ?

un air comique à l’opposition des tons elle percute pourtant pas, se baisse pour faire lâcher le denim mouillé à dolly avant de se décaler pour laisser la place à l’une de rentrer et à l’autre de rentrer aussi s’il veut.

- tu veux entrer ?
- t’as besoin de quelque chose ?

l’est déjà partie à peine plus loin, à sortir une deuxième tasse.