des sons à peine perceptibles pour un lieu d'une toute beauté, où à cette heure tous s'installent juste quelques instants. Mais Nari n'a pas beaucoup de temps devant elle pour en profiter car chaque seconde, chaque minute lui sont comptés comme des chiffres qui s'envolent dans le ciel sans jamais y revenir. Elle observe ce bleu étrange, assise dans l'herbe qu'elle caresse du bout des doigts. Aujourd'hui c'est un sourire qui se tient à ses lèvres bien que malgré tout, elle soit seule durant sa pause et ce quotidiennement depuis presque cent ans. Parfois il lui arrive d'avoir de la compagnie d'amis ou de curieux. Ces moments-là sont rares même si elle est du genre à être 《 la bonne amie 》, la plupart du temps tous viennent saluer l'humaine à l'Izakaya juste le temps d'un verre. Nari est source de questionnement et de curiosité autant qu'elle ne l'a été lorsqu'elle n'était qu'une enfant. Soit elle attise l’envie de poser des questions, soit qu’on lui jette quelques détritus dessus. Néanmoins au bout de cent ans, certains clients semblent avoir développé une affection pour elle, ayant oublié sa véritable nature. C’est pourquoi elle se rend souvent ici, proche de la nature et de ces choses qui ont attiré son regard créant cette envie d’y rester. Il était encore tôt, c’était le silence depuis son arrivée mais les craquements au sol la sortaient de sa rêverie. Paniquée, Nari se relevait avec sa jupe coincée dans un buisson.  

【 qu..qui est là ? 】

Fraîche matinée, celles que Haiko affectionnait le plus, celles des jours doux à l'approche du printemps où la nature doucement s'ouvrait aux couleurs. Si les habitudes le poussaient surtout à rester dans les tréfonds du quartier d'Ukiyo, il aimait une fois libre de sa dernière mission se promener dans les jardins de Komorebi.
Les jardins de Saruta-Hiko, en particulier, lui avaient toujours plût, et il avait eu le loisir de voir la végétation évoluer et s'épanouir au fil des années. Étant parmi les "doyens" de Kage no machi, l'esprit chien avait vu la ville fantôme changer de visages bien des fois, acteur ou observateur des divers évènements ayant jalonnés son histoire.
C'est lors de ces matinées où les jardins étaient peu visité que l'Inugami avait décidé de se promener sous sa forme canine, sa fourrure jais doucement remuée par le vent frais, truffe au vent. Quiconque le verrait aurait probablement un geste de recul en voyant cette grosse touffe de poils à l'air mauvais, mais il n'avait pas pour habitude de croiser quiconque à cette heure. Et c'était sous cette forme qu'il se sentait le mieux pour profiter de la nature, étourdit par les bonnes odeur, protégé du froid et de la pluie par son épais pelage, ses pattes puissantes lui permettant de vagabonder autant qu'il voulait entre les fleurs et arbustes.
Il ne fut interrompu que par des bruits de tissu froissés contre les plantes, relevant le museau du sol pour flairer l'air à la recherche de la source du bruit, oreilles dressées. Mais c'est avant de voir la source du bruit qu'il entendit une petite voix, une voix fluette qui demandait qui était là.
Le monstre chien avait repris forme humaine, ne souhaitant pas effrayer l'inconnue, craignant de tomber sur quelqu'un qui ne supporterait pas de voir un énorme loup dans les jardins du quartier de bon matin.

- Désolé, vous ai-je fait peur ? s'inquiéta Haiko d'une voix paisible.

Il avait enfin aperçu la jeune femme dans les buissons, femme qui lui apparut comme une petite lapine apeurée. Il craignait qu'elle l'ait aperçu sous sa forme de chien, doutant de s'il avait une sorcière ou une humaine sous les yeux. Il ne ressentait pas vraiment de magie en elle, mais après tout, certaines sorcières pouvaient être ainsi.

- Je ne m'attendais pas à croiser quelqu'un dans ces jardins de si bon matin, pardonnez moi.., enchaîna poliment l'esprit chien.

S'il faisait face à une sorcière, il était peut-être mieux de ne pas s'attirer des ennuis. De par sa nature servile d'Inugami, il avait plusieurs fois été mené dans des missions impliquant la présence de majô dans le camp adverse. Ce n'était en son sens jamais une bonne idée de s'en faire des ennemis si ce n'était pas pour un de ses devoirs.

Et quand les ailes se déploient, hautes et miroitantes dans les cieux obscurs, l’âme du tengu s’épanche de cette solitude tellement désirée, obtenue. Les sens aiguisés, le regard perçant et les serres tranchantes, ses armes s’abattent sans retenue sur la cible qu’il a repéré, suivie depuis quelques jours déjà. L’éclat vermeil s’étend sur son arme et Ankoku abandonne un soupir en s’apercevant que son éventail si majestueux a subi quelques dégâts. Ses lèvres s’agacent, tremblantes, tandis qu’il brandit son sabre pour dévorer l’être tout entier. L’argent ne manquera pas de couler entre ses griffes, corbeau tengu se délectant de la saveur des défunts proclamés. Essuyant sa lame, il ne tarde pas à s’échapper de l’endroit pour s’envoler dans les jardins de Saruta Hiko, un endroit qu’il connaît depuis de bien trop longues années.
Après être rapidement passé dans sa cabane rudimentaire construite aux abords de la forêt, Anan s’est hissé dans les branches des arbres sous sa forme la plus humaine. Son cou et ses épaules se détendent tandis que ses prunelles volatiles s’absorbent dans le paysage étendu en contrebas. La ville fantôme n’est qu’un amas de si nombreux détritus qu’il ignore même s’il trône sur un endroit en particulier, le tengu. Glissant une main dans sa chevelure brune, ce n’est que lorsqu’il entend du bruit dans le buisson adjacent que son regard malicieux se détourne.
Tout à coup, ses lippes esquissent un sourire empli d’amusement, certain qu’il va passer un bon moment en compagnie des deux personnes plus bas. Il reconnait cette serveuse qu’il n’hésite pas à ennuyer dès lors qu’il ne sait plus quoi faire d’autre et l’esprit de l’Inugami qui, parfois, se joint à ses missions de chasseur de primes. Du haut de son perchoir, il a l’impression de jubiler, Ankoku. Néanmoins, il se montre intelligent, se faufilant entre les branchages afin de ne pas se faire tout de suite voir des prunelles indiscrètes. Il tend les oreilles, écoute avec avidité les banals échanges qui se déroulent et, avec malice, il n’hésite pas plus longtemps avant de se manifester – toujours caché en hauteur. « Qui ose venir troubler la paix ancestrale qui règne dans les jardins de la divinité ? » Son sourire ne se départ pas de son expression tandis qu’il se fond dans le décor, ses vêtements couleur terre se muant avec aisance avec le tronc de l’arbre.


@nari @haiko

Ce n’était qu’une façon comme une autre de se protéger, un petit bâton récupéré au vol dans ses mains, brandit comme une arme qu'elle utiliserait pour se battre. Lancé, arrivant pile à l’endroit tant espéré ; la tête de celui qui semblait d’une politesse déconcertante. Seulement en voyant qu’il ne s’agissait pas d’un potentiel danger ses joues devenaient d’un rouge indiquant une certaine honte dû à son geste. Si elle pouvait se cacher dans un trou de noiraudes, elle l’aurait fait sans hésiter.  

- Je..pardon..  

Parler avec des inconnus n’était pas réellement son fort ayant toujours une angoisse certaine à tomber sur des Majo ou Maho. La jeune humaine était bien plus à l’aise quand il s’agissait de Yokai, car attirée par ce qu’elle ne connaissait pas et ce qu’elle ne pourra jamais être.  

- Je ne voulais pas vous faire mal. Enfin si, mais non..
- Je crois que ce matin je n’ai pas toute ma tête.  
- Je peux me faire pardonner ? Avez-vous faim ? Ou soif ?  
- Je ne sais pas bien cuisiner mais je connais l’endroit parfait !

Et quand elle s’apprêtait à continuer son monologue qui n’avait pourtant aucun sens, la petite humaine fût soudainement effrayée par la voix qui s’élevait, venant de plus loin. Dans un mouvement rapide et immédiat elle se ruait derrière l’inconnu, attrapant entre ses doigts parfumés de fleurs, le vêtement du jeune homme pour se rassurer. Maladroite et bien d’autres choses, toc à souhait qui l’empêche d’être un tant soit peu normale, Nari la voilà qui remet frénétiquement en place le vêtement qu’elle venait de déranger tout en restant cachée, honteuse, effrayée.