Les souvenirs du passé | Anan

—Jeu 25 Mar 2021, 17:02

● ここは断じて通さん ●

∴ @Anan ∴

le 25.03 aux jardins de saruta-hiko

Sa brosse glissait sur le pelage blanc de son étalon, lentement. Seiji laissait les doigts de son autre main se promener sur l’épaule musclée alors qu’il chantonnait. C’était un fait rare chez lui, il chantonnait rarement, quand il se sentait mélancolique et que son pont céleste lui manquait. Il était venu ici pour son épouse, Maiko et pourtant, il se sentait seul. Il se secoua, décidé à aller dans les jardins qui portaient son nom. Quand il était là-bas, il se sentait en paix, les mains dans la terre. Il était décidé à emmener son étalon avec lui. Il ajusta le harnachement sur l’animal qui renâcla, un brin agité. « Du calme. » Sa voix rauque s’éleva dans l’air alors qu’il le sortit de son box. Il avait fait construire une petite écurie à côté de sa maison traditionnelle. Il ne pouvait se passer de la présence d’un cheval, il avait toujours adoré ces animaux pleins de noblesse pour lui. L’air frais passa dans ses cheveux et il ferma un instant, ravi. La vie était simple et lui convenait parfaitement. Il se hissa en selle et pressa les flancs de sa monture qui se mit en route. Un dernier regard par-dessus son épaule pour regarder sa maison, songeur.

En ce moment, ses pensées se tournaient régulièrement vers son épouse. Le kami n’appréciait pas de se sentir ainsi, si vulnérable, à vif. D’habitude, il était beaucoup plus fort, têtu et froid. Là, il se sentait faible. Il grogna, sortant dans ses pensées alors qu’il se dirigeait vers ses jardins. Il ne se sentait bien que là-bas en ce moment. Il avait pris ses outils sur lui. Certains passants qui traînaient dans le quartier qui était appelé le village regardèrent le kami qui passaient. Seiji salua certains d’un signe de tête. Il sentait le respect dans certains regards et il appréciait cela. Même s’il était un peu dans son monde, c’était un kami respecté et craint. Il n’habitait pas loin des jardins et arriva finalement. Seiji descendit de selle et entendit avant de les voir, les oies et les canards. C’était une vie simple qui le faisait revenir à l’essentiel. Ce n’était pas un kami d’apparence, bien au contraire, c’était le kami de la terre et patron des arts martiaux, des choses basiques selon lui. Il se dirigea vers la marre, tenant son étalon par la bride qui le suivait calmement.

Il savait où l’attacher, dans un coin tranquille près de l’eau et de l’herbe. Il alla l’attacher avec une longe longue. Il l’aurait en ligne de vue non loin des jardins et s’y dirigea avec sa sacoche d’outils. Il y avait quelques habitants du quartier qui étaient là et le reconnaissaient alors qu’il les salua. Il était dans ses pensées, posa sa sacoche par terre et commença à chercher ses outils, accroupi. Un bruit léger, mais régulier lui fit lever la tête. Son regard noir et acéré sonda les arbres à côté de lui et il vit une forme dans l’un d’eux. Ce n’était pas un oiseau, c’était évident, mais quoi ? Il s’approcha, silencieux et regarda la silhouette humaine. Il reconnut les traits du visage et se vit un siècle en arrière face à ce jeune tengu. Il semblait faire quelque chose, genre dessiner ? Difficile à dire. Les ombres l’empêchaient de bien voir. Comment il s’appelait déjà ? « Bonjour Anan. » Le kami le regarda très calmement, se demandant ce que le jeune tengu faisait là. Bon tout le monde était jeune pour lui, mais encore plus lui. Il se souvint de son maître qui l’avait amené tant de fois à ses cérémonies.

kamikakushi

—Mar 30 Mar 2021, 22:08

les souvenirs du passé ❋
mars 2021

Et quand les plumes acérées ne sont pas en train de s’abattre sur des âmes égarées, elles se repaient, là, cloîtrées entre ses omoplates. Oiseau noir, oiseau de malheur, n’est-ce pas l’expression ? Son éventail secoué de l’éclat vermeil qui s’y déposé, le tengu étire ses lèvres en un sourire satisfait. Ce jour, il sait que sa bourse tintera doucement de l’odeur de l’argent qui y sera enfoui. Chasseur de primes depuis des années, afin de moins s’ennuyer que de subsister réellement à ses besoins, le jeune homme a le sang-froid quand il gicle, brûlant, des entrailles de ses victimes. Des têtes à abattre et le cœur devient de plus en plus glacé. Les prunelles ne s’animent qu’un bref instant, avant que le coup achève. Peu importe les histoires, peu importe les mascarades ; les proies ne s’échappent pas quand Ankoku sévit. Sinon, personne ne ferait appel à ses services, voilà bien une évidence.
Une fois sa récompense en poche, le yokai se dirige rapidement vers son quartier. Là où sa cabane rudimentaire, presque vétuste, d’apparence minable, ne s’est toujours pas effondrée. Il y range soigneusement ses armes, échange son hakama bicolore pour une tenue plus confortable, geta toujours à ses pieds, puis il saisit un carnet et un crayon avant de repartir, la porte en bois claquant derrière lui. Cet endroit, il n’y est que rarement. Ce n’est qu’une cabane de passage où les secrets sont enfouis sous les planches. Anan a le don pour savoir s’inviter dans des couches différentes, un peu plus chaudes, ou pour s’élever dans les yeux, les prunelles brillantes de l’espoir de ne jamais redescendre. Pourtant, ses serres reviennent toujours déposer sa silhouette quelque part, au sol ou bien dans les arbres ou sur les toits des temples – quelques endroits favoris où les autres esprits savent le dénicher ou lui échapper.
Mais aujourd’hui, ce sont dans les jardins de Saruta-Hiko que le corbeau tengu a jeté son dévolu. Avec habileté, il se faufile dans les sentiers, se hissant dans un arbre afin de laisser son dos reposer contre le tronc, les pupilles levées vers les cieux si bleus. Le temps est calme, bien que frais, mais peu importe sur la peau halée de l’enfant amusé. Le bruissement des feuillages lui fait oublier le temps lorsque ses doigts impatients grattent sur le carnet abîmé. Depuis qu’il est arrivé dans la ville fantôme, il n’y a pas de couleurs dans les œuvres d’Anan. Ses souvenirs s’emmêlent souvent, mais il doute qu’un jour il y en ait vraiment eu. Du moins, elles n’ont guère duré bien longtemps. Le soupir s’abandonne quand il repousse une mèche de sa chevelure de jais et ses sens à l’affût ne manquent pas d’entendre son nom interpelé. Et cette voix, elle, n’est pas que le fruit de ses souvenirs.
Ne bougeant pas tout de suite, se sachant à demi caché dans les hauteurs, la créature referme cependant son cahier, bloquant son crayon de bois entre les pages noircies. Jambes croisées sur sa branche, il penche son buste en avant, un délicat sourire s’immisçant sur ses lippes rosées, gercées. « Que me vaut l’honneur de votre présence, Monsieur le Kami ? » Parce que les années ont défilé, les unes après les autres, et que les siècles ont fini par s’écouler. Aujourd’hui, Ankoku n’est plus le même que lorsque son maître tengu l’a emmené aux représentations de ce dieu. Aujourd’hui, Ankoku est seul pour se débrouiller face à cette silhouette imposante. Pourtant, dans le fond, n’est-il pas toujours aussi impertinent, perché là-haut dans l’arbre ? Mais peu importe, n’est-ce pas, puisque l’éternité s’étend devant eux.

( @seiji )

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