quelques années auparavant« Ramène-le, Nobu … » Avais-tu supplié le kami.
« Rends-le-moi, Kaneda ! » Avais-tu hurlé au yōkai.
« Retrouve-le, Kaito. » Avais-tu demandé au mahōtsukai.
Tous t’ont regardé avec pitié.
Tous t’ont tendu leurs bras pour te consoler.
Tous ont compris à quel point tu souffrais de l’absence de ton petit-frère.
Les uns comme les autres, ils savaient à quel point tu tenais à lui. Ils savaient à quel point vous étiez proches. Seulement, aucun d’entre eux n’était en mesure de faire quoi ce soit pour toi. Car si la faucheuse avait choisi d’emporter Junichi loin de toi, personne ne pouvait rien y faire. Il en était ainsi. Certaines choses étaient implacables.
Immuables. La mort était l’une d’entre elles. Qu’on le veuille, ou non.
« Hikari ? » Une voix t’interpelle alors que tu dévales les escaliers de la maison familiale.
« Hikari où vas-tu ? » Tu ne prends pas la peine de répondre et attrapes ton manteau à la volée avant d’ouvrir la porte d’entrée et t’engouffrer dans l’artère principale de Tsundoku. Tu ne peux plus rester ici. Chaque claquement de porte, chaque rire, chaque froissement de tissu ou ombre aperçue au détour d’un couloir te font croire qu’il n’est jamais parti ; qu’il ne t’a jamais abandonné et qu’il est revenu d’une énième mission pour le compte de sa majo.
Bordel de merde. Tu as beau savoir que ce ne sont que des mirages, le fruit
pourri de ton imagination, tu n’arrives pas à te faire raison et t'y crois dur comme fer.
C’est insupportable.
« Encore une minute de plus passée dans cette maison et je vais devenir folle … ». Des larmes roulent sur ton visage d’albâtre et viennent se nicher dans le creux de tes clavicules tandis que tu cours comme une dératée dans les rues de Kage No Machi.
Lorsque tu arrives à la petite station de taxis – qui fait face au Palais de Majo – tu fais rapidement signe à un véhicule de s’arrêter.
« Où j’vous emmène mademoiselle ? » Demande le chauffeur à travers son rétroviseur – alors que tu t’installes sur la banquette arrière.
« Rendez-vous à l'Okiya, dans le quartier de Komorebi » Réponds-tu distraitement, avant de coller ton front contre la vitre du taxi qui démarre en trombe. Le soleil, déjà très haut dans le ciel, semble peu à peu céder sa place à d’énormes nuages gris …
Est-ce qu’il va pleuvoir ? Juni adorait la pluie …Les minutes défilent et tu ne vois pas le temps passer. Ce n’est que lorsque la voiture s’arrête que tu te tends rends compte que vous êtes déjà arrivés. L’Okiya. La maison de ta tante et de ses protégé⸱e⸱s. Elle semble te tendre les bras. Tu ne te fais pas prier. Tu lances une petite pièce d’argent au conducteur – qui se fond en remerciement – et dévales la petite allée qui mène à l’établissement avant de monter les marches quatre à quatre.
« Yukina ?! » Tu cherches désespérément ta grande sœur de cœur, mais elle ne répond pas à ton appel.
« Avez-vous vu Yukina ? » Demandes-tu à un ushinawareta tamashī qui passe par là.
« Dans sa chambre, maîtresse » Répond-t’il poliment avant de faire une légère révérence. Tu ne prends pas le temps de le remercier et fonces tête baissée vers les quartiers de la geisha avant d’ouvrir la cloison en papier de riez qui te sépare d’elle. Assise devant sa coiffeuse, la yōkai s’arrête net, une main dans ses cheveux tirés à quatre épingles. Comme à son habitude, elle affiche un sourire bienveillant lorsqu’elle remarque ta présence ; mais elle prend rapidement un air grave lorsqu’elle aperçoit dans quel état tu te trouves.
« Hika-chan, que se passe-t-il ? » Demande t’elle, décontenancée.
« Yuki-san … » Murmures-tu, haletante, avant de te jeter à ses pieds comme le ferait un enfant dans les jupons de sa mère.
« Yuki-san … » Répètes-tu, les yeux bordés de larmes, avant de t’effondrer sur ses genoux.
« Je t’en prie, aide-moi à le ramener » Demandes-tu, la voix étranglée par la douleur.
« Ramène-moi Junichi ! ».
kamikakushi